A l’origine d’ Humani’terre, un projet solidaire du centre social Jean Moulin(Bergerac)dans un pays en voie de développement. En affinant le projet , au cours des réunions et des différentes manifestations, la nécessité de se constituer en association apparaît.
D’autre part, la première action humanitaire sera :
1-de construire avec la population un dispensaire en pays Dogon au Mali.
2-d’assurer la formation d’un aide-soignant .
Cette décision est prise suite aux contacts avec une enseignante girondine,Monique Dautant,qui œuvre depuis quelques années à Indelou, village dogon au bord de la falaise de Bandiagara.
Les deux infirmiers de l’asso ont réussi à impliquer l’hôpital de Bergerac qui devient notre partenaire.
Samedi 14 février -16 heures
Nous sommes dix à arriver avec nos bagages, au centre social Jean Moulin .Chacun a réparti 50 kgs de paquetage personnel , de médicaments et matériel médical, de vêtements à donner , de petit matériel scolaire( stylos, crayons et cahiers),de lunettes , de fruits secs, dans les sacs de voyage.
Ça y est nous sommes à la veille de notre action humanitaire. La joie se lit dans les yeux et les sourires des partants;les inquiétudes des accompagnants se manifestent par leur sollicitude ou leurs regards. D’autres membres de l’asso qui ne partent pas (Dominique,Stéphane,Brigitte,Muriel, Suzanne et Claude) participent à la quasi-liesse. Pour un peu, on penserait à un départ pour un centre de vacances pour adolescents…
Sur l’autoroute, en direction de Bordeaux, nous apprécions le confort des banquettes des 2mini-bus de la ville de Bergerac. Gaël aurait emmené sa poupée gonflable en guise de moustiquaire et Christian nous informe que son oreillette a lâché et qu’il nous faudra donc hurler pour converser avec lui !
Claude,Muriel et Stéphane nous ont escortés jusqu’à l’aéroport de Bordeaux-Mérignac où nous sortons flûtes, champagne , pain et saucisson: nous trinquons tous ensemble au succès du projet. C’est pas beau l’humanitaire!
Puis les uns se dirigent vers la salle d’embarquement et les autres vers Bergerac, le cœur lourd.
A l’enregistrement , nous avons quelques soucis avec la malle « pharmacie »que nous avons chargé à 40 kgs;la gentille hôtesse nous explique fermement que chaque bagage ne peut excéder 32 kgs en soute. Exit alors les boîtes de paracétamol, les sachets de compresses, les tubulures ,de la malle que nous avions rangée avec tant de précautions,vers les sacs qui ne sont pas encore enregistrés ou vers les bagages-cabines qui peuvent encore contenir quelque chose. Mais il faut négocier avec la sécurité et la compagnie aérienne.
Arrivée de Myriam , messagère de Monique Dautant, avec un sac supplémentaire à enregistrer contenant une carrelette, entre autres..
Gaël,avant d’embarquer,dans cet aéroport surchauffé, nous propose gentiment thermos de café , cannettes de sodas et bouteilles d’eau, stockés dans son petit sac à dos …il a tout compris le pôvre !
Et nous nous dépêchons d’avaler tout ça avant le passage vers la salle d’embarquement(100 ml maximum autorisés en cabine).
Entre Bordeaux et Casablanca, le trajet se passe sans encombres;il paraîtrait que Jean-Marc, qui a fait un tour dans la cabine de pilotage pour son baptême de l’air, aurait pris les commandes !!! « Charmantes hôtesses,de plus »dit-il en se réinstallant dans son siège .
Dimanche 15 février
Entre Casa et Bamako , gros dodo pour tous avec oreillers et plaids fournis par Royal Air Maroc.
Atterrissage à Bamako de nuit .Claire,tête de linotte, a oublié ses lunettes dans l’avion:on affrète un bus exprès pour qu’elle puisse les récupérer. Nous entreprenons d’âpres négociations avec le monsieur de la guérite de change de l’aéroport pour obtenir un meilleur taux:hélas, nous faisons chou blanc, mais nous avons pu récupérer la somme requise pour les frais du séjour .
Récupération des bagages et il en manque quelques-uns: petit moment de panique. En fait , ils ont été descendus du tapis roulant par des techniciens locaux et sont là,un peu plus loin, à l’écart!Mais la malle, où est la malle ?? Invisible . Effectivement, elle n’a pas été débarquée. Formalités de sortie, Jean, Gaël et Amadomo, qui est bien au rendez-vous, filent vers le bureau de « litiges des bagages » pendant que nous rassemblons tous les sacs sur des chariots et que nous sortons de l’aéroport.
Il nous faut désarçonner les jeunes garçons qui nous assaillent pour porter nos bagages contre quelque monnaie(1à 2 €). Quelques uns sont plus rapides que nous et sourds à nos protestations !
Nous découvrons alors ,dans la nuit noire et la chaleur agréable, notre mini-bus: robe d’enfer ! Zébrures avec pare-buffle et banquettes recouvertes de skaï. Le grand luxe .
Aidés de multiples petites mains , nos bagages nous sont presque subtilisés pour être montés en deux temps trois mouvements sur la galerie ;en moins d’un quart d’heure tout est chargé , il ne reste plus qu’à sangler le tout avec …une cordelette toute fine !
Alors que nous attendons des nouvelles de la malle, nous parlementons avec ces gamins, en manque de sommeil, qui ont harnaché notre véhicule, pour une rétribution acceptable .Nous remplissons quelques gourdes au robinet sur le parking en n’omettant pas d’y ajouter les pastilles de purification de l’eau . Nous achèterons un pack d’eau minérale sur la route. Le spray anti-moustiques circule aussi .
En ce qui concerne la malle, elle est restée coincée à Casablanca, enfin , à priori … Amadomo la récupèrera en milieu de semaine contre quelques billets . Ah , l’Afrique !
Nous prenons la route , nous entassant sur les banquettes et les strapontins : dix à l’arrière et trois à l’avant , dont le chauffeur. A nous la traversée du Mali (700 kms environ)!
Arrêt carburant et achat d’un carton d’eau à la sortie de Bamako. De chaque côté de la chaussée, des constructions hétéroclites, en enfilade, les hommes dorment là , à même le sol poussiéreux, près de la route et des détritus qui, partout, jonchent la terre.
Arrêt pipi en pleine campagne, puis arrêt petit-déjeuner à Fana : on nous propose dans une petite cahute faite de bric et de broc, du Lipton ,du café, du café au lait, de l’omelette avec un peu de pain . Un garçonnet aux vêtements douteux apporte au fur et à mesure l’eau bouillante dans un pichet . Le patron fait la vaisselle des gobelets en plastique et ouvre des boîtes de café soluble. Les boissons ont le goût de produit vaisselle… Il fait jour maintenant et la chaleur commence à monter.
Paysages semi-arides avec quelques arbres , quelques arbustes et herbes sèches .
A Ségou, passage d’un énième passage policier, on descend se dégourdir les jambes; Sylvie et Jean-Marc font quelques photos , ce qui entraîne un incident : on ne doit pas photographier le poste de police et ses agents , c’est apparemment très grave ! Les photographes, le chauffeur et notre guide Amadomo (étudiant natif du village d’Indelou) sont convoqués fermement dans la guérite et sermonnés vivement … Le péage devient alors un peu plus cher et il faut détruire les photos faites sur place .
On poursuit la route, la chaleur devient étouffante. Les passagers sur les strapontins commencent à sentir leurs muscles fessiers. Nombreux péages et policiers , nombreux dos d’ânes (ouille, nos postérieurs) et arrêt au restaurant vers 13 heures pour déjeuner. Grand luxe , des toilettes carrelées avec lavabo et eau courante, une terrasse couverte avec ventilos et une carte digne d’un snack de station balnéaire, boissons fraîches.
Route encore , de plus en plus chaud , quelques plaintes pour les fesses endolories, dos d’ânes , péages , marchés colorés . A chaque pause , notre bus est entouré d’enfants et d’adolescents qui tentent de nous vendre des beignets, des biscuits au sésame, des légumes (carottes,tomates) et qui veulent récupérer nos bidons (bouteilles d’eau minérale vides).
Arrivée à Bandiagara, achat de puces téléphoniques et de noix de cola pour le chef , petit tour de ville , la nuit tombe , des discussions s’engagent avec des habitants , nous croisons quelques touristes.
Allez, courage, dernière ligne droite, enfin si on peut dire, nous prenons la piste cahoteuse, de nuit.
La dextérité du chauffeur et la connaissance d’Amadomo des trous, des bosses de chaque piège de la piste, nous amènent enfin à Indelou !
Le silence est tombé dans le bus , silence lourd d’épuisement, il nous faut puiser des ressources dans nos corps suants, moites…15 heures de trajet depuis Bamako , 28 depuis Bergerac. Amadomo nous annonce que nous arrivons dans 1,5 kms et nous distinguons une minuscule loupiote dans le noir . C’est un enfant envoyé en éclaireur, qui se met à courir derrière le bus en criant ce que l’on peut supposer être « ils sont là, ils arrivent ! ». Dans la noirceur de la nuit, sortent des ombres, aperçues à la lumière des phares, une foule alignée sur le chemin à l’entrée du village . Le bus s’approche et ce sont les tambours et les chants des femmes qui nous arrivent, droit au cœur, les couleurs étouffées par l’obscurité, et l’émotion est forte pour nous tous, certains lâchent quelques sanglots. Les mains des villageois serrent les nôtres à travers les fenêtres du bus, on nous souhaite de toutes parts la « bienvenue » et « bonne année ». Le bus stoppe enfin , nous en descendons, entourés par les villageois, par leurs chants. « Espérons que nous serons à la hauteur de l’accueil offert ». Nous apprendrons qu’ils nous attendaient là depuis des heures.
Nous déchargeons avec leur aide et nous remercions la population pour ce moment merveilleux; de très vieilles femmes étaient là avec leurs sourires pour offrandes. Ce long, très long périple, parfois difficile est , dès lors, très vite oublié. « La magie de l’Afrique est là » dit Sylvie.
Les villageois se dispersent alors et Abel, chef du campement, nous invite à nous restaurer autour des tables de pierre et de bambou recouvertes de tissus « indigos » et nous dévorons le plat de spaghettis. Puis, épuisés, nous montons nos bagages personnels et de fins matelas qui nous serviront de couches sur les toits en terrasse ; il nous faut être prudents dans l’obscurité, sur l’échelle dogon, avec nos lampes torches pour seul éclairage. Rapide toilette à la lingette, fouille à tâtons pour trouver nos pyjamas dans nos sacs à dos et dodo bien mérité sous la voûte étoilée, sans moustiques .
Lundi 16 février
Réveil au petit jour, par les cris des animaux:coqs,zébus,ânes. Nous découvrons alors notre gîte et le village où quelques âmes sont déjà bien actives; une jeune femme qui allaite nous fait des signes de bienvenue, au loin ; des hommes s’éloignent avec leur houe sur l’épaule ou chargés de tas de « foin » pour les bêtes. Nous apercevons sur les hauteurs les cases du village et les greniers si particuliers, les roches environnantes parsemées de quelques arbres(acacias,manguiers).
Petit-déjeuner chez Abel ,au campement du bas: café soluble , Lipton, beignets (appréciés) et galettes de mil (délaissées par tous après les avoir goûtées). Abel nous fait part des décisions du Conseil du village concernant leur organisation pour les travaux de construction du dispensaire: plusieurs équipes sont constituées pour ne pas nuire au travail dans les jardins .Nous devons rencontrer certains membres du Conseil au cours de la journée pour régler certains détails ( financiers et logistiques).
Changement de camp pour nos hommes , un peu plus haut dans le village; les enfants transfèrent leurs bagages en deux temps trois mouvements. Hop! Sur la tête et en route.
Abel nous fait visiter son village. Du haut de la falaise, au campement du haut, nous sommes scotchés par la vue sur la plaine aride à perte de vue, avec les villages disséminés et les arbres et arbustes répartis presque régulièrement. Quelques femmes pilent le mil au bord de la falaise, nous tentons de communiquer mais l’incompréhension devient totale quand nous les photographions et qu’elles réclament « un jeton »… Une autre, âgée, nous montre ses tongs cassées, irréparables et l’état de ses pieds, crevassés à un point vertigineux, sans ongles,dans un état de déformation insupportable .
Nous poursuivons la visite par la case du Français qui comporte une magnifique porte sculptée, par le lieu des plantes sacrées, puis l’autel des sacrifices, la maison des femmes (lors de leurs menstruations), les cases à palabre que l’on nomme les Togunas, la maison du vieux chef, très sacrée : on ne peut toucher les pierres du mur d’enceinte de l’habitation, la maison des baptêmes , les lieux interdits, les cases avec les greniers à mil (pour les hommes exclusivement) et les greniers des femmes, plus petits. Et, partout, des enfants souriants et joyeux, en haillons, nous accompagnent . Dans les cours des habitations, les femmes pilent le mil au milieu des animaux, poules et coqs, chèvres, moutons à tête noire,vaches .Quand les dogons parlent de leur famille , ils y incluent leurs animaux .
Amadomo, qui nous a guidés jusqu’à son village, étudie à Bamako; c’est un jeune homme cultivé attaché à la tradition et aux rites dogons; il se sent Dogon et non Malien. Pour lui, l’avenir du peuple Dogon passe par un compromis entre coutumes ancestrales et ouverture au monde extérieur..
Quand les aînés l’ont décidé, les jeunes dogons (entre 10 et 15 ans) sont circoncis; ils sont alors livrés à eux mêmes dans la nature pendant quelques semaines et doivent mendier en « faisant des chants ».Ce travail sur soi est nécessaire pour montrer que la vie est dure. Ensuite a lieu le rite des masques pendant lequel leur sont inculquées les paroles et la connaissance Dogon , que seuls eux connaissent et acceptent pour devenir adultes.
Amadomo nous invite à rencontrer ses parents qu’il n’a pas vu depuis un an ; nous assistons à un moment rempli d’émotion.
Nous descendons prendre notre repas au campement du bas, la chaleur devient brûlante. Durant la sieste qui suit , quelques jeux sont organisés avec nos hôtes et les enfants: belote dogon , perudo, pétanque, jeux de ballons.
Puis nous partons visiter les jardins. Juste avant de suivre Abel, nous assistons au ballet d’un grand nombre de femmes et de filles du village pilant le mil en chœur au rythme de leurs chants: une cérémonie funéraire doit avoir lieu, apprendrons-nous plus tard. Spectacle fascinant, coloré, harmonieux, bruyant avec discussions vives , rires et chants. De nombreux enfants jouent autour d’elles. Nos essais avec le pilon provoquent des éclats de rire et des moqueries !
Dans les jardins:c’est l’odeur d’oignon qui nous indique que nous en sommes proches. A l’à-pic de la falaise, entre deux barres rocheuses, nous découvrons les carrés verdoyants et les puits creusés dans la terre rouge et meuble, au milieu des parcelles. Poussent aussi quelques plantes potagères, pour leur consommation personnelle: patates douces, aubergines(rondes et vertes), carottes, tomates, choux, salades et même melons ! Manguiers et papayers complètent ce paysage absolument étonnant dans ce semi-désert et cette accablante chaleur. Les femmes coupent les tiges des oignons, les pilent et forment des boulettes qu’elles font sécher sur le sol rocheux, au soleil. Les hommes ramasseront les bulbes prochainement. Ils pileront les bulbes abîmés et feront des boulettes d’oignons séchées pour ne rien perdre. Les oignons sont leur trésor; ce commerce leur permet de pouvoir subsister quand les greniers sont vides, jusqu’à la prochaine récolte et leur permet d’acheter quelques biens matériels sur les marchés .L’arrosage s’effectue à l’aide de 2 calebasses trempées dans l’eau trouble mais presque fraîche du puits d’arrosage et remontées à la force des biceps (environ 20 litres de chaque côté) tout en remontant la pente raide du puits.
Il n’y a que la sueur de l’homme pour faire verdir les rochers [Moussa Konaté -L'empreinte du renard ]
En revenant, nous visitons l’école qui comporte 3 classes et qui a été construite il y a quelques années. Elle devrait à terme comporter 6 classes , correspondant aux 6 années du cursus primaire. C’est une école communautaire. Les élèves sont tous rassemblés sur les banc d’une même salle pour la remise des prix , suite aux dernières compositions !
Il nous faut chanter ! Nous entonnons « Alouette » en chœur et les enfants nous écoutent dans le silence le plus total , ravis par notre prestation peu glorieuse pourtant. A leur tour, ils nous chantent l’hymne malien. Puis c’est la distribution aux élèves les plus méritants des 3 classes de petits sacs et cartables apportés par un groupe de touristes quelques jours auparavant. A l’heure de la sortie, tous les élèves se réunissent sous le drapeau et pendant qu’un des leurs baisse les couleurs du Mali , les autres chantent avec beaucoup de respect, encore une fois, l’hymne de leur pays.
Retour au campement ; les filles décident d’aller au puits d’alimentation chercher l’eau nécessaire pour les douches du soir. Quelle affaire ! C’est extrêmement difficile: il faut descendre une outre en plastique attachée à une simple corde sur plus de 30 mètres, puis la faire remonter remplie en faisant glisser la corde contre une grosse branche posée sur les rebords de la construction en béton. Il faut s’ arc-bouter et gonfler les biceps, en fait tout le corps entre en jeu . Au bout de deux outres remontées , nous avons le dos et les épaules en compote et nous n’avons rempli qu’à moitié le bidon; les villageoises et les fillettes présentes viennent à notre secours en riant . Les bidons sont remplis , il nous faut maintenant les transporter jusqu’au campement ( à peine 500 mètres). C’est un travail titanesque pour nous , encore une fois , de jeunes garçons viendront nous aider. Ils transportent les bidons sur la tête avec une facilité déconcertante.
Nous prenons alors nos douches avec un seau d’eau et un gobelet derrière un muret qui protège de la vue . Le trou des toilettes étant juste derrière l’autre muret , l’odeur est assez nauséabonde , mais quel confort de pouvoir se laver .
Mardi 17 février
Emanuel, le maçon dogon de Koprokenié, village situé à 42 kms d’Indelou, arrive sur sa petite moto chargée de matériel. Il boit un café avec nous, puis il déballe méticuleusement ses outils . Prévenu téléphoniquement (portable)de notre arrivée par Abel la veille, il est parti de chez lui à 6 heures du matin pour que nous puissions commencer le travail le plus vite possible. Nous sommes tous sur le pied de guerre et nous avons hâte de nous y mettre ! Direction l’école … et le tas de pierres à proximité. Les deux maçons avec les chefs d’équipes déterminent l’emplacement du futur local. Emanuel montre les plans qu’il a réalisés.
La dalle sera un plateau pierreux à peu près plat mais éloigné du tas de pierres préparé par les villageois … il va nous falloir les déplacer avec nos bras forts et musclés … c’est très lourd une pierre dogon !
Mesures au cordeau et traçage des angles à l’équerre , et voilà le bâtiment matérialisé au sol . On place les pierres d’angles qu’il faut retailler au marteau . Et pierre après pierre transportée et taillée , le chantier prend forme. Il est temps de cimenter les premières pierres placées qui serviront d’assise.
Certains transportent le sable nécessaire avec une brouette et les filles se chargent du transport de l’eau ; d’abord au « puits d’usage » avec des bidons , puis comme la quantité est insuffisante, il faut retourner en puiser à proximité (500 mètres) dans un trou creusé dans la terre: la tâche est exténuante pour nos frêles épaules même en portant à deux un bidon aux ¾ rempli !
Pendant ce temps, la construction a avancé, le pourtour est presque délimité . C’est alors qu’arrive un personnage , déjà rencontré la veille chez le forgeron, « le chasseur ». Il porte des vêtements traditionnels et nous fait une démonstration de tirs avec son fusil fabriqué entièrement de façon artisanale et chargé à deux doigts de poudre. Christian , chasseur lui aussi, communique avec le vieil homme au sourire lumineux : c’est un grand moment d’émotion quand Christian est invité à essayer l’arme bruyante. Nous « japonisons » l’instant.
En soirée, nous nous réunissons avec Balou (un des instituteurs du village), Emanuel et Abdias (ami d’Amadomo qui nous escorte depuis Bamako et qui exerce pour nous ses talents de traducteur) pour déterminer l’organisation à venir ; pour le chantier, il est demandé que le sable et l’eau soient apportés par les femmes du village, nous établissons la liste des achats à effectuer concernant la construction(il faut davantage de marteaux pour tailler les pierres); en ce qui concerne la vie quotidienne, nous demandons à pouvoir prendre nos repas en commun et non plus séparément , au moins le déjeuner et nous évoquons la consommation d’eau minérale: il va falloir « micropurer » l’eau du puits, sinon nous n’aurons pas suffisamment d’eau potable pour le reste du séjour. Nous établissons le planning de travail, nous obtenons de tous travailler sur le chantier et de randonner le week-end pour qu’Abel nous fasse découvrir le pays dogon. Abel nous propose aussi de nous conduire au marché de Dondjourou, jeudi, pour pouvoir rencontrer Joseph Amadou , l’infirmier de Endé, qui dispense les soins à Indelou.
C’est aussi la première consultation pour Claire et Gaël: une femme souffrant de maux de ventre. Le traitement donné sera 1 Doliprane et 1 Spasfon, à renouveler en cas de douleur persistante .
Mercredi 18 février
Nuit perturbée par de petites averses ! De la pluie en pleine saison sèche !Nous déménageons matelas, nattes, duvets, sacs à dos par l’échelle dogon sous la terrasse couverte de branchages et où la chaleur devient vite suffocante.
Petit-déjeuner avec beignets et miel de tilleul, agrémenté de fruits secs (abricots, dattes, figues, sortis de nos bagages).
Claire et Joëlle trient les médicaments et le matériel médical acheminés dans nos différents sacs de voyage. On coche les boîtes, on regroupe par catégories et classes de médicaments. On commence à remplir le registre des soins dispensés et celui de la pharmacie pour gérer les stocks.
Pendant ce temps, réunion avec le Comité du village pour Sylvie et Jean afin de régler les derniers comptes concernant les achats pour le chantier et la rémunération d’Emanuel, le maçon, ainsi que quelques frais annexes(eau minérale par exemple). Des mises au point sont effectuées, notamment pour que le permis de construire soit établi au nom d’Humani’terre et non de Monique Dautant. Nous précisons les objectifs et les rôles des deux associations( la nôtre et Merebara Indelou) pour une meilleure compréhension de notre venue , par les habitants d’Indelou.
Retour du chantier pour les autres membres du groupe et repas pris en commun (filles et garçons) sur notre demande insistante auprès d’Abel. Ce matin , les villageois ont été plus nombreux pour aider au chantier: Emanuel et Christian mènent les troupes de mains de maîtres.
Après une sieste à l’ombre sur les matelas ou les transats en bambou , le travail reprend : « A chacun sa pierre! » dit Christian, facétieux. Mais nous sommes trop nombreux , les outils manquent …A défaut d’être efficaces , les filles vont faire un tour dans le village, à la rencontre des habitants.
A la fin de l’après-midi, nous sommes sollicités par un touriste accompagné d’un guide : il nous faut nous rendre dans un village proche(environ 2 kms) pour dispenser des soins à la femme de ce guide qui est très malade et enceinte de 7 mois. Gaël, accompagné de tous les autres hommes du groupe se rend sur place avec une pharmacie. Cette femme a contracté la malaria , a consulté à l’hôpital de Bandiagara et doit recevoir des injections de quinine , doit aussi être perfusée pour être ré-hydratée. Nos hommes accompagnés de Balou reviennent au campement dans l’obscurité et effectuent une marche sportive de nuit à la lueur de quelques lampes frontales.
A l’issue du dîner, nous décidons de nous scinder en 2 équipes de travail sur le chantier et nous écoutons et débattons sur ce qui s’est dit lors de la réunion avec le Comité , le matin même.
Jeudi 19 février
Sur le petit matin , nous essuyons quelques gouttes de pluie. Le temps est couvert .
La première équipe se rend sur le chantier, « les petites mains » font les joints entre les pierres des rangs montés; les maçons commencent à manquer de pierres adaptées ou taillables aux dimensions adéquates.
Sylvie, Jean, Claire et Gaël sont partis à Begnemato pour perfuser la femme enceinte souffrant d’une crise de paludisme, en n’oubliant pas la tubulure car « une perfusion sans tubulure, c’est comme un homme sans c… » dit Sylvie !
Après le repas de midi , le reste du groupe prend la piste avec Emanuel, Abdias et Balou qui n’a pas classe cet après-midi, pour Begnemato. Sur le parcours, nous mesurons la difficulté à effectuer ce chemin escarpé, de nuit !
De Begnemato, village au milieu de grandes roches sculptées par l’érosion, magnifique, nous gagnons tous ensemble le marché de Dondjourou, village de plaine, au pied de la falaise.
Le marché est bruyant, coloré ,odorant : tissus,quartiers de viande suspendus, grillades de brochettes, savons, calebasses, poissons séchés, sacs de cuir , coutelas, fruits et légumes (papayes,aubergines,oignons,piments,salades,tomates,raisins,dattes locales,tamarin,lentilles,noix de cola), jus de fruits(gingembre,tamarin), épicerie de base(riz,pâtes,semoule,mil), bijoux et pacotilles,et, partout, seaux,bassines ou calebasses de bière de mil.
Les chasseurs des villages avoisinants sont rassemblés là et font des démonstrations bruyantes de leur adresse. Piaillements,conversations, légères bousculades : le marché est extrêmement animé !
Nous prenons le chemin du retour , à l’inverse, sauf pour Sylvie et Pascale qui empruntent le sentier de la faille dans la falaise (escalade en perspective) accompagnées d’Hamid, adolescent d’Indelou.
Gaël et Claire devront injecter à nouveau de la quinine à cette future maman bien mal en point et poser une nouvelle perfusion; pour les autres, Jean paiera sa tournée de bières fraîches au campement de Begnemato qui dispose d’un petit groupe électrogène : merci Jean!
En arrivant au village, nous apprécions l’humidité d’une source jaillissant de la roche, et qui sert pour l’heure de lavoir. Nous admirons à nouveau ces rochers monumentaux qui entourent ce village .
Arrivés à Indelou, c’est le moment des soins à dispenser pour nos infirmiers: énormes crevasses aux pieds, maux de ventre, céphalées, abcès dentaires, ulcères variqueux, brûlures et plaies surinfectées. Nous faisons la rencontre d’un groupe de trekkeurs arrivant de Ouagadougou et qui ont l’expérience de projets humanitaires et solidaires en Afrique. Nos hommes , au campement du haut ,dîneront et discuteront avec eux très tardivement, au bord de la falaise.
Vendredi 20 février
Énormément de vent ! Est-ce l’Harmattan ? Nuit fraîche(enfin , tout est relatif!).
Lever 6 h 15 avec chants des coqs, plaintes des bœufs, ânes, chèvres et moutons … Les villageois sont déjà aux jardins , partis dans l’obscurité pour commencer l’arrosage. A l’heure où nous émergeons, certains reviennent déjà, chargés de tiges, de légumes sur la tête .
Petit-déjeuner tous ensemble: une équipe part sur le chantier, les autres partent en balade et descendent la faille de la falaise vers Dondjourou, en bas . C’est Djédjé qui nous sert de guide avec ses yeux doux et rieurs.
Arrivés à un petit village dans le milieu de la descente , nous rencontrons quelques enfants qui entrent en grande discussion avec Djédjé. Nous nous dirigeons vers des anciennes habitations troglodytes à flanc de la falaise, malgré les récriminations des enfants et de notre petit guide . Nous prenons quelques photos et c’est l’erreur: on nous réclame monnaie sonnante et trébuchante (« c’est grand-père qui l’a dit! »), des menaces sont proférées à l’encontre de Djédjé, qui ne peut nous expliquer ce qui se passe puisqu’il n’est pas francophone.
Nous rebroussons chemin et lors d’une pause , dans la montée, notre petit guide nous montre un groupe d’adolescents qui chemine rapidement à notre suite et Djédjé, effrayé,se lève , nous demande de partir au plus vite et prend la poudre d’escampette! Nous le laissons partir et attendons nos poursuivants . Nous tentons de leur expliquer pourquoi nous étions sans guide , expliquons notre travail à Indelou , parlons du futur dispensaire(information inconnue de nos interlocuteurs), de la possibilité de soins gratuits tant que nos « docteurs » sont là .
Nous pouvons reprendre l’ascension et près du puits d’alimentation , nous retrouvons Djédjé, ravi que nous soyons si vite de retour , rassuré que nous n’ayons pas eu à débourser d’argent ou subi les foudres des « sorciers ».
Nous allons donc dans le village à la rencontre des habitants pour les informer sur la construction du dispensaire , utile pour tous et de la gratuité des soins jusqu’à notre départ .
Djédjé nous conduit dans sa maison, où ses parents sont absents, occupés à leurs activités (jardins , puisage et transport d’eau , corvée de bois, mil à piler , cuisine ,…). La grand-mère, quasi dévêtue, nous salue chaleureusement et disparaît au fond de sa case , où on ne peut se tenir que courbé . Elle revient vers nous, habillée , nous propose de nous asseoir et nous offre son tabouret, se déplaçant avec difficulté jusqu’à une pierre plate, à l’entrée de sa maison, où elle prend place. Le grand-père qui nourrissait les animaux nous rejoint. Pascale essaie de communiquer et de se faire comprendre à propos des soins; les deux vieux nous montrent leurs yeux opaques (cataracte ??), accablés par la fatalité de la vieillesse , de leur dure vie de labeur et de pauvreté.
Quelle hospitalité , quelles marques de respect nous recevons !
Nous rejoignons le campement pour déjeuner et pour nous préparer à une cérémonie de mariage qui a lieu à Begnematou . C’est la nièce d’Emanuel qui est la future épouse .Tous les villages alentour ont reçu l’invitation, nous sommes donc de la fête aussi .
A Begnematou, tous portent leurs plus beaux atours,pagnes et boubous colorés aux couleurs chatoyantes, tee-shirts aux effigies de vedettes du football ou de variétés internationales. Partout des gamelles remplies , des bidons de bière de mil. Des dizaines de femmes se sont rassemblées sous une sorte de halle couverte; chacune ou presque porte un bébé dans le dos ou allaite. Elles parlent fort toutes ensemble, ravies de ce jour de fête et donc de congé; puis, elles chantent et dansent au rythme des tambours à aisselle ; Emanuel se joint à elles et se retrouve paré de plusieurs foulards , signe d’appréciation de ses dons de danseur. Emanuel nous conduit dans la maison des futurs mariés que nous rencontrons : la mariée est une toute jeune et belle adolescente de quinze ans, son mari en a dix de plus. On peut lire l’inquiétude dans les yeux de la promise …et la fierté dans ceux de son futur compagnon de vie. On nous fait entrer et danser dans une pièce minuscule aux murs peints et décorés ( pigments naturels). Nous faisons connaissance avec les 15 frères d’Emanuel, tous présents pour la noce .
Les tambours et les chants nous appellent sur la place du village. Les danses commencent; nous observons du haut d’une terrasse d’un « bistrot » les festivités mais les rythmes nous attirent et nous voilà bientôt dans les files de danseurs et danseuses qui évoluent en cercle , côte à côte .
Samedi 21 février
Sur le chantier , chacun trouve maintenant sa place et le travail se poursuit dans la bonne humeur, avec le bruit des marteaux des tailleurs de pierres.
Après le déjeuner et une sieste pour recharger les batteries, nous voici tous partis faire une balade le long de la falaise, guidés par Abel. Nous traversons des jardins équipés d’une pompe à eau (don d’une asso humanitaire).
Il nous faut franchir une faille, surprenante par sa profondeur, vertigineuse, et emprunter des échelles dogon taillées dans des troncs d’arbres, placées les unes à côté des autres.. Nous en avons les jambes « cotonneuses ».
Abel nous fait découvrir ,dans des trous de la falaise, des sépultures; les morts sont confiés aux rocailles, dans des lieux arides et ravinés où tout porte l’empreinte d’une érosion sans fin .
Sur le chemin du retour, Abel veut faire tomber quelques fruits de baobab (le pain de singe) et lance sa canne …qui reste perchée. Alors, tel un primate, il grimpe dans l’arbre majestueux pour la récupérer : séance de franche rigolade .
Ce soir, nous sommes conviés sous la Toguna pour présenter les objectifs de notre projet et les raisons de notre présence sur place, aux chefs des quartiers et à l’ensemble de la population..
Nous arrivons donc sous la case à palabres,dans l’obscurité totale ; Emanuel sera notre intermédiaire en traduisant les paroles des villageois et celles de Pascale et Gaël qui vont essayer (et de quelle manière !)d’éclaircir les malentendus. Quel calme, quelle sérénité et quelle solennité lors de ce conseil sous la Toguna ! Pour nous, c’est une leçon d’écoute et de communication: chacun parle à son tour sans être coupé par un autre; le ton est bas et le débit lent ; entre deux interventions , un moment de silence et de réflexion est observé par tous.
Dans la nuit étoilée sans pollution lumineuse , les chefs réitèrent leur choix de proposer Balou comme aide-soignant de leur village. Ils sont rassérénés, semble t-il , par nos propos , qui leur assurent la pleine propriété et gestion de la future « case de soins ». Ils s’engagent à travailler
d’ arrache-pied avec nous , puis avec Emanuel quand nous aurons regagné Bergerac. Ils feront en sorte que matériaux et matériel soient présents sur le chantier . Nous sommes remerciés mille fois pour ce que nous apportons au village en tant que « partenaires ».
Les filles rencontrent , un peu à l’écart de la Toguna, les représentantes de l’association des femmes, que nous rétribuons pour le transport du sable et de l’eau sur le chantier . Elles nous présentent, avec Balou, leur cahier des micro-crédits justifiant de la trésorerie et des actions de leur association : un modèle de rigueur! Elles nous expliquent leur fonctionnement , en chuchotant , comme si nous complotions, pour ne pas gêner les échanges qui se poursuivent sous la Toguna .
Cette réunion riche et passionnante a permis de lever toutes les gamberges et les inquiétudes de part et d’autre, et c’est avec un nouvel enthousiasme que nous allons poursuivre notre action dans les prochains jours. Nous mesurons aussi combien Emanuel nous est précieux et avec quelle finesse il analyse chaque situation. Nous avons perçu aussi la confiance que se témoignent les villageois et notamment envers Balou et Abel , présents ce soir et qui nous prennent en charge durant ce séjour .
Dimanche 22 février
Au petit-déjeuner, une délégation de femmes vient nous apporter des beignets faits exprès pour nous en signe d’amitié et elles nous embrassent joyeusement et affectueusement .
Nous nous rendons à l’église où l’office a commencé : chants des hommes d’un côté, chants des femmes en réponse , de l’autre côté et les mains qui frappent le rythme en cadence . On perçoit le respect du lieu en toute simplicité, les vêtements du dimanche sont arborés avec fierté. On ressent que ces instants de prières joyeuses procurent une véritable détente aux femmes surtout et la vie, au chœur du modeste édifice religieux, se poursuit : caresses aux enfants qui se blottissent dans les boubous ou tétées goulues !
Plusieurs religions existent en pays Dogon : catholique, protestante et musulmane. Mais tous les Dogons sont profondément animistes.
Nous partons vers un petit village , Golombo, avec Balou, Emanuel, Abdias et Abel. Chaleur et vent nous accompagnent ; les paysages sont rocailleux et semi-désertiques: peu d’arbres , des tiges sèches. Au détour du chemin, Balou ajuste son lance-pierre et vise une tourterelle (péléguélé) et fait mouche ! Il la plume,la vide et la fait griller un peu plus tard sur trois pierres, près d’un petit abri d’un jardinier qui arrose son jardin et qui nous offre des potimarrons. Hum, l’oiseau est délicieux , partagé en 14 petites portions !
Plus loin , nous croisons un troupeau de vaches à bosses faméliques gardées par un jeune garçon .
Pause bienfaisante à l’ombre des manguiers et arrivée à Golombo, accueillis par les chants qui proviennent d’un petit temple protestant. Nous sommes invités à y pénétrer et aussitôt, ils entonnent un chant en notre honneur. On nous propose alors de démontrer nos talents de choristes…nous peinons sur le « Notre père » ; que cela sonne faux , plat et monocorde, comparativement à leurs mélodies rythmées, gaies , mêlant les voix avec harmonie . Malgré tout, nos hôtes sont ravis de nous écouter.
Nous attendons longuement ,sous un auvent, le repas que l’on nous prépare: Abel a apporté dans sa besace des légumes pour accommoder le riz ;les enfants du village nous tiennent compagnie. Peu de touristes viennent ici , nous sommes l’attraction .
Après le repas , nous marchons sous un soleil de plomb, vers la mare aux crocodiles , qui, ici, sont des animaux sacrés. Une petite rivière coule au milieu de jardins grâce à une retenue d’eau , quelques nénuphars fleurissent à la surface de l’eau . Nous observons le ballet incessant des jardiniers avec leurs calebasses entre rivière et plantations . Il nous faut chercher pour découvrir sur l’autre rive les crocodiles qui sont assoupis. Un est de belle taille et un autre sort de l’eau avec une rapidité déconcertante .
Retour à Indelou, Sylvie, Edme et Balou finissent les tous derniers kilomètres en courant !
Nous sommes accueillis par le papa d’ Amadomo qui nous porte des présents : un gros coq blanc et une pleine calebasse de fonio(céréale locale); « Énorme! » comme le dit Sylvie . Nous l’invitons à venir partager ce repas avec nous.
Quel changement dans l’attitude des villageois depuis le Conseil sous la Toguna , nous nous sentons de mieux en mieux intégrés et la population nous manifeste maintenant, par des cadeaux incroyables, sa reconnaissance et sa confiance .Et nous devons nous attendre à une autre surprise, paraît-il.
Nous venons de siroter notre thé et notre café et nous voyons arriver vers le campement un cortège de loupiotes, accompagné par le son des tambourins. Les femmes, les enfants, les adolescents, les hommes , le chasseur , nous offrent une soirée de chants et de danses. C’est FABULEUX !
Les jeunes entament la fête de façon un peu désordonnée, Balou tente de recadrer les chorégraphies. Puis, les femmes et les hommes effectuent leurs prouesses , éclairés par quelques lampes. Nous sommes enchantés, subjugués par ce peuple si enclin aux joies simples.
Edme et Gaël entrent dans la danse sous les cris et les sifflets des femmes ; de jeunes filles nous entraînent, et c’est parti. C’est gigantesque: bal musette dominical en pays Dogon…
De temps à autre , il faut arroser un peu le sol pour limiter les nuages de poussière ; et la fête se poursuit dans la douce nuit étoilée .
Lundi 23 février
Dès le petit-déjeuner, les consultations commencent en présence d’Amadou Joseph (aide-soignant de Endé) arrivé la veille : plaies purulentes, petit garçon famélique blessé au front …
Pour le reste du groupe, le travail sur le chantier nous attend . Il faut remplir l’intérieur de la construction avec des pierres mal taillées , puis des gros cailloux, puis des petits cailloux , de la « grenaille » et enfin du sable . Pour transporter les bidons d’eau, Edme fabrique un système avec une cordelette et un bâton passé dans la poignée: cela facilite la tâche des filles qui transportent ainsi un bidon rempli à deux . Roland est préposé à la fabrication du mortier.
Après le repas , Gaël et Edme retournent à Begnemato pour prendre des nouvelles de la future maman perfusée et pour récupérer les déchets médicaux . A ce propos, Gaël se demande: « Nous ne sommes pas vaccinés contre le palu , nous ? »!!! Gaël est un infirmier très compétent par ailleurs , si, si , nous nous en portons garants.
Et le travail sur le chantier reprend après une courte sieste durant les heures où le soleil brûle . Corvée d’eau , joints au mortier (les filles deviennent expertes), préparation de mortier , choix et tailles des pierres. Pour ce , ce sont surtout les villageois qui s’y entendent, mais Edme et Jean-marc se débrouillent comme des chefs. Emanuel monte les rangs de pierres, le travail avance lentement , il faut ajuster , tailler encore chaque pierre et il ne reste plus beaucoup de choix dans le stock initial . Le manque d’outils se fait cruellement sentir. Christian manie avec dextérité la truelle, à l’intérieur , pour préparer le lissage . Emanuel en utilise une autre pour poser les pierres et il ne reste plus qu’une seule truelle pour lisser les joints; alors , à l’africaine, nous utilisons le système D : des pierres plates nous servent de taloche et nos mains gantées sont nos truelles, l’auge à mortier est une brouette sans roue !
La chaleur est à peine supportable malgré quelques souffles d’air chaud de temps à autre.
Dans la soirée, nous nous réunissons pour établir la liste du matériel manquant et urgent pour le chantier (il ne reste que 3 sacs de ciment) et pour calculer ce qui reste à financer. Il faut aussi régler avec Abel et les trésoriers du village l’utilisation du reliquat de l’argent versé par notre asso pour l’achat du matériel ; nous pourrons financer le travail d’Emanuel pour cette semaine avec nous et payer ses repas . Abel baisse ses tarifs et ne fait pas payer l’hébergement d’Emanuel . « Vous travaillez avec nous et pour nous ! Alors … » dit-il . Il prend son portable et commande ce dont nous avons besoin. Le matériel sera acheminé le lendemain sur le chantier par une camionnette dont il faudra régler le transport (chauffeur et carburant).
Comme il ne reste plus que trois jours pleins de travail pour nous , nous décidons d’y être au maximum (en temps et en main d’œuvre).
Gaël , Claire et Balou iront demain visiter le dispensaire de Dourou (le plus proche)et l’hôpital de Bandiagara, à moto .
Mardi 24 février
De nouveau , après le petit-déjeuner, nos deux soignants sont sollicités pour les soins à dispenser: le message est bien passé ! Puis ils enfourchent leurs motocyclettes pétaradantes vers Dourou pour le rendez-vous avec Edouard (aide-soignant de Dourou). Là, des jeunes les reçoivent et leur indiquent qu ‘ Edouard est à Bandiagara pour la campagne de vaccinations. Claire et Gaël en profitent pour visiter l’unique dispensaire pour ce secteur du pays Dogon . Ce bâtiment sanitaire composé de trois pièces (pharmacie,bureau de consultations et pièce pour les soins) est dans un état de saleté repoussante, quasiment insalubre !
Route jusqu’à Bandiagara, enfin piste caillouteuse plutôt . Avant de se rendre à l’hôpital, Balou emmène les infirmiers à l’école, chez Timothée , dont Monique Dautant nous avait parlé . C’est le directeur de l’école , petit personnage rondouillard et imposant par l’impression de sagesse et de sérénité qu’il dégage . Timothée invite le trio à déjeuner avec lui .
A l’hôpital, personne ne les attendait , Edouard n’est pas en vue et il semble impossible d’obtenir un rendez-vous avec le médecin-chef . « Il est absent, à cinq heures d’ici !»
Après une longue attente , nos infirmiers croisent Edouard qui sort d’une salle de réunion et qui les conduit vers l’adjoint du médecin-chef :enfin , rendez-vous est pris pour le lendemain …à huit heures ! Pendant cette concertation, un homme passe , il s’avère que c’est le médecin-chef !
Dépités, Claire et Gaël retournent chez Timothée et , sur ses conseils, rédigent des courriers pour établir des demandes concernant l’autorisation de formation de Balou et l’autorisation de dispenser des soins à Indelou, auprès du médecin-chef de Bandiagara. Aucune démarche n’avait été entreprise avant notre arrivée sur place . Retour à l’hôpital dans l’après-midi pour remettre en main propre les courriers au responsable . Il les reçoit alors chez lui, dans son logement de fonction mais précise qu’aucun besoin n’a été recensé à Indelou et qu’il n’y a donc pas besoin de dispensaire sur place !!!
Complètement abasourdie, notre délégation retourne voir Timothée qui décide de faire jouer ses relations et donc , il faut s’adresser au député régional . Il est confiant et nous assure que le dispensaire est nécessaire et que Balou pourra entamer une formation d’aide-soignant , ce n’est qu’une question de temps , il faut ouvrir les bonnes portes . Timothée semble prendre la mesure des difficultés locales et de l’apport nécessaire et chanceux « des partenaires ».
Mercredi 25 février
Alors que nous attendons « l’eau chaude » pour préparer nos boissons du petit-déjeuner, nous voyons arriver un couple de villageois avec le bébé « sans nom » que Sylvie a récupéré dans les bras d’une petite fille, à la fin du chantier, l’autre jour . Sylvie avait materné le nourrisson et, accompagnée d’une troupe d’enfants, l’avait reconduit jusqu’à son habitation où il avait retrouvé sa maman, revenue des jardins .
Les parents viennent annoncer qu’ils baptiseront leur bébé dimanche prochain et qu’ils le nommeront : Sylvie !
Notre Sylvie est toute bouleversée et nous sommes tous très émus par cette marque d’amitié touchante .Nous « japonisons » les parents et leur bébé et sa toute nouvelle marraine .
Nous réglons les comptes avec Abel: hébergement, repas, boissons, eau minérale.
Nous annonçons notre proposition de finalisation du chantier par la venue d’ Emanuel à Bergerac: surprise (de taille – oblige (sic)) pour lui . Une véritable amitié s’est tissée au fil des jours avec ce gaillard .
Et surprise pour nous encore! Derrière le campement, nous apercevons quelques hommes costumés et masqués: « la danse des masques sacrés » se prépare en notre honneur, pour nous remercier de l’action engagée dans leur village. Nous assistons, médusés, émerveillés à la danse : ces corps d’hommes musclés bougeant en cadence et avec grâce et justesse , au son des tambours. Époustouflant ! Nous sommes au cœur de l’Afrique !
Sur les hauteurs du village, des femmes et des enfants assistent , de loin , à cette cérémonie .
Sur le chantier, on coule la chape de ciment au sol …c’est la fin des travaux pour nous …
On peut palper dans l ’air ambiant la joie d’avoir œuvré main dans la main avec tous , la déception de n’avoir pas terminé l’ouvrage et déjà, la nostalgie à l’approche des « au revoir ». Séance photos devant la case de soins avec les participants (les tailleurs de pierres et nous ).
Joëlle et Jean-Marc ont assisté à une demi-matinée de classe; ils ont passé la majeure partie du temps à faire réciter aux élèves deux poèmes : les enfants ânonnent en français sans rien comprendre ou presque à ce qu’ils énoncent. Nous mesurons la ténacité qu’il faut aux plus doués pour pouvoir poursuivre une scolarité (entièrement payante et chère qui plus est). Désappointement total !
Après le repas, toutes les femmes du village viennent aussi nous saluer et encore une fois, nous sommes touchés par leur respect ( c’est une grande occasion ,elles portent fièrement de beaux vêtements et se sont parées de bijoux et de foulards savamment noués sur la tête) et par l’affection qu’on nous témoigne .
Edme demande à Abdias comment on dit femme en Dogon : « Yana » ; et Edme en désignant Abdias dit en riant : « toi, yana pas ! »
L’après-midi est consacré pour certains à la constitution de leurs bagages, à l’empaquetage d’objets-souvenirs achetés deci, delà ou troqués contre nos objets personnels , au repos avant la longue journée de voyage en mini-bus qui nous attend demain. Sylvie, Edme, Jean-marc et Joëlle ont dégotté deux motos et vont faire un tour à Dourou pour, en touristes, approcher la vie d’un gros village Dogon . Hélas , c’était sans compter sur l’état des motos, et celui de la piste; au bout de quelques kilomètres et malgré les réparations mécaniques opérées par Emanuel , la moto des garçons est hors-service et celle des filles cale à chaque arrêt et il faut une puissance …d’homme, pour la redémarrer. Alors, demi-tour, à moto hoquetante pour les filles, en poussant le bolide , à pied pour les garçons .
Emanuel, lui, poursuit sa route, il s’en retourne vers les siens, heureux de ce qu’il vient de vivre; il reviendra bientôt à Indelou pour terminer avec les villageois , leur case de soins .
En début de soirée, Amadomo arrive , avec la malle récupérée, dans le mini-bus zébré. Il est heureux d ’apprendre comment se sont déroulés nos jours dans son village .
Retour de Balou, qui était parti ce matin à Bandiagara pour continuer les démarches administratives en vue de sa formation , avec l’aide de Timothée. Il faut obtenir l’aval des autorités sanitaires et des instances politiques en place . Il semble que l’on s’engage sur de bonnes voies, l’espoir est revenu. Il faut néanmoins écrire moult courriers aux différentes administrations des différents districts. Balou entame alors , devant les chefs des quartiers, huit pages d’écriture, à la lampe de poche! Nous lui prêtons main forte et sous la dictée , ensemble, nous écrivons les missives : il est déjà tard .
Le comité et le trésorier du village souhaitent alors s’entretenir avec Amadomo et nous pour éclaircir certains points: la suite et l’achèvement de la construction, les financements dont dispose l’asso . Ils souhaiteraient disposer de l’argent restant car ils n’ont pas les mêmes priorités : nous sommes estomaqués ! Pascale explique , avec les mots justes, notre position, d’où provient l’argent et comment nous envisageons la suite du projet . Amadomo joue les intermédiaires avec brio . A l’issue de cette entrevue , tous sont contents et nous remercient chaleureusement , ils nous considèrent, disent-ils, comme faisant partie de la « grande famille ». Ils s’en vont dans le noir aussi discrètement que lorsqu’ils sont arrivés .
Nous discutons avec Amadomo qui nous rassure puis nous allons nous coucher : le lever est prévu à quatre heures pour faire la route jusqu’à Bamako (une quinzaine d’heures en perspective sur les banquettes pour les 700 kms à accomplir) .
Mais avant de pouvoir sombrer dans les bras de Morphée, une dernière fois sur notre toit en terrasse et sous les étoiles scintillantes, il nous faut ré-écrire les lettres de Balou ! Il manquait une marge , c’est ainsi , ici .
Jeudi 26 février
5 heures- Départ émouvant dans la nuit, embrassades mouillées avec Abel et ses jeunes aides qui nous ont préparé chaque jour les repas . Chargement rapide du mini-bus (nous n’avons que peu d’effets pour le retour). Balou , qui devait nous accompagner jusqu’à Mopti pour porter ses courriers n’est pas là ! Allez, courage, enfouissons nos larmes et préparons-nous pour la piste rocheuse et cahoteuse jusqu’à Bandiagara.
Nous faisons halte chez Timothée qui nous souhaite bon voyage et qui nous assure de son aide pour la suite du projet et surtout pour la formation de Balou.
Durant la route, nous tournons aux différentes places dans le mini-bus . Aux arrêts, la ronde des petits commerçants nous est devenue familière. Pas d’incidents majeurs à part une crevaison ; la roue de secours est plus petite, mais ça ne pose pas de problème apparemment . Christian, dans un cahot fait lâcher le dossier de son siège: le rêve , ce siège-couchette, place royale, sera convoité par tous durant le trajet .
Lors d’une discussion avec Amadomo et le chauffeur , nous découvrons qu’il n’est pas prévu de nous transporter , demain , à Bamako, la prestation réglée s’arrête ce soir ! Notre auberge est située à 10 kms du centre, à 25 de l’aéroport. Négociations, appels téléphoniques à l’auberge, à la Mission Catholique… Enfin, moyennant des FCFA supplémentaires et non prévus, le chauffeur veut bien nous guider dans Bamako demain matin et nous conduire à l’aéroport demain soir .
Demain ,c’est le jour de la grande prière , et donc, il est difficile de détourner les croyants vers d’autres actions . Installation à l’auberge puis dîner dans un restaurant où nous commandons ce qu’il y a de moins cher , avec des boissons fraîches cependant. Nos finances sont presque épuisées.
Avant de dormir, la douche est bienfaisante et la chaleur encore étouffante .
Vendredi 27 février et samedi 28 février
Amadomo, Abdias et le chauffeur nous emmènent sur les hauteurs de Bamako après un petit-déjeuner où nous avalons les céréales qui nous restaient et des fruits secs . Nous avons un panorama sur toute la mégalopole . Nous descendons ensuite au cœur de la ville, au village des artisans (souks) et au marché où nous dépensons nos derniers FCFA personnels pour rapporter bijoux, tissus et autres objets pour nos proches . Cohue, ambiance bruyante, marchandages . Là, nous sommes des touristes ordinaires… Étal des gris-gris , étonnant avec ces crânes de singes, ces peaux d’animaux de toutes sortes, ces membres de singes coupés, ces potions, ces odeurs fortes !
Nous nous mettons en quête d’aliments pour déjeuner, ce n’est pas une mince affaire, car en ce jour de grande prière, peu d’épiceries sont encore ouvertes. Nous trouvons à acheter du pain , des avocats énormes , quelques tomates, , de l’eau minérale et quelques fruits. Nous agrémentons le tout avec les dattes, abricots secs et figues séchées qui nous restent ; quel excellent complément alimentaire , ce fut, à toutes heures durant notre séjour .
Sylvie, Gaël et Jean se mêlent ensuite aux habitants du quartier environnant notre auberge et font un petit tour sur le marché local . Les autres profitent des couches et des ventilateurs de l’auberge pour s’octroyer (en tenue d’ Eve et d’ Adam) une longue sieste réparatrice .
Abdias et Amadomo nous rejoignent en fin d’après-midi et nous partons boire le thé (rite sacré , ici, comme dans d’autres pays africains) chez la tante d’ Abdias chez qui il loge pour ses études . Nous rencontrons là de fortes personnalités qui nous expliquent leurs visions et leurs perceptions de l’ Afrique , du Mali et de son avenir .
Dernier repas à Bamako, au même endroit que la veille , nous vidons notre cagnotte et nous offrons une bière fraîche. Puis, nous reprenons le mini-bus pour l’aéroport: Roland raconte comment il s’est blessé au doigt et Jean-Marc demande : « C’était un chien ? » « Non, une scie circulaire. » répond Roland ; « C’était donc Lassie » dit Jean-Marc !Nous éclatons tous de rire , mais l’ambiance est lourde; nous sommes tristes de quitter nos nouveaux amis et chagrinés d’arriver au terme de ce séjour .Heureux cependant d’avoir pu mener à bien la mission dont nous étions chargés. Adieux émouvants à Amadomo et Abdias.
Longue escale à Casablanca où nous remplissons les formalités de sortie de l’aéroport pour faire un tour dans la ville . Après avoir tourné, viré, rempli des documents, fait tamponner nos passeports et visas , il ne nous reste plus suffisamment de temps , sauf pour un aller-retour en train entre Casa centre et l’aéroport… Nous décidons alors d’aller nous reposer à l’hôtel destiné aux voyageurs en transit . Avion pour Bordeaux .
A notre arrivée , nous sommes salués par les djembés : Stéphane et Muriel s’en donnent à cœur joie et nous sommes à nouveau émus par l’accueil que l’on nous réserve . Pain et champagne : la première action d’ Humani’terre a été réalisée dans sa majeure partie !
Lors du retour vers Bergerac, nous racontons avec enthousiasme ce que nous avons vécu à Claude , Dominique, Stéphane et Muriel .
Pour clore ce récit , chacun de nous écrira en quelques mots ce qu’il retiendra de ce séjour, je passe donc la plume à mes camarades .
Merci d’avoir un blog interessant